IV - LE BARON D’ALTENHEIMER

IV

LE BARON D’ALTENHEIMER


On voyait, à travers les arbres, les fenêtres du château qui successivement s’illuminaient. Les derniers préparatifs s’achevaient pour la soirée de charité de l’archevêque.
 
– Nous allons être interrompus bientôt, monsieur le baron, dit l’évêque d’Hermopolis, et cependant ces dames voudraient bien connaître la fin de votre histoire.
 
– En d’autres termes, monseigneur, vous souhaitez que j’abrège, répliqua le conseiller privé du roi de Wurtemberg, premièrement, je suis aux ordres de Votre Excellence, ainsi qu’à ceux de Sa Grandeur et de toutes les éminentes personnes qui veulent bien me faire l’honneur de m’écouter ; en second lieu, il me reste réellement bien peu de choses à dire.
 
« Je n’ai pas à vous apprendre que la famille du roi Guillaume, mon maître, est la plus nombreuse qui entoure aucun trône en Europe. Sa Majesté a quatre enfants, de ses deux mariages ; son illustre frère a également quatre enfants ; ses cinq oncles, très respectables, comptent des descendances plus riches encore, de telle sorte qu’en enfants, petits-enfants, gendres et brus, ces cinq branches collatérales ne réunissent pas moins d’un demi-cent de têtes princières. Dieu, qui protège la France, semble s’occuper aussi un peu de la dynastie wurtembergeoise.
 
« Or, avec tout cela, jusqu’en l’année 1823, le roi Guillaume n’avait pas d’héritier direct du sexe masculin. Ce fut donc une grande joie dans le Wurtemberg, lorsque, le sixième jour de mars, le canon annonça la naissance d’un prince royal, qui fut ondoyé, selon le rite luthérien, sous les noms de Charles Frédéric-Alexandre. Le roi voulut retarder la cérémonie du baptême définitif, afin de le faire digne de toute son allégresse, et toutes les cours amies durent être conviées à cette fête nationale qui était en même temps une fête de famille.
 
« Nous n’avons plus le temps de ménager nos petits effets de surprise, et d’ailleurs, d’après tout ce qui précède, chacun de vous pourrait deviner que les frères Ténèbre furent de la fête. Mais sous quel prétexte et sous quelle forme ! Je vous prie, mes chers seigneurs et mes belles dames, de ne point jauger ces deux êtres véritablement prodigieux à la mesure de vos imposteurs timides, de vos brigands à cervelle étroite, de vos fantômes dont le rôle puéril se borne à épouvanter gratuitement la faiblesse des femmes et la poltronnerie des petits enfants. Mon avis, je ne vous l’ai pas caché, est que nous sommes ici en face du surnaturel, employant des moyens qui sont en dehors de notre compréhension, pour satisfaire la plus grossière et la plus basse de toutes les passions humaines : la convoitise. Sous ces pierres noires, recouvrant les deux tombes de la plaine du Grand-Waraden, on n’enterra point des corps, mais des péchés capitaux incarnés depuis le commencement du monde. En d’autres lieux doivent être les marbres qui recouvrent ces autres vampires, toujours mourant, mais vivant toujours : l’Ambition, la Colère, la Haine, le Mensonge et l’Orgueil.
 
« Ne comparez donc pas, vous qui êtes émerveillés à la comédie jouée récemment dans Paris par votre comte Pontis de Sainte-Hélène. Ne dites pas qu’il y a des difficultés, des impossibilités, tout ce que masque enfin ce lâche mot ; invraisemblance, protestation des esprits étroits contre la vérité trop large.
 
« Oui, certes, il y avait des difficultés à venir dans cette cour dont les princes et les princesses tiennent par leurs alliances l’Europe entière comme en un réseau de famille ; oui, certes, il y avait ce qu’on appelle vulgairement des impossibilités à se présenter, sous un nom royal (et comment s’y présenter autrement ?) dans ce palais où abondaient les hôtes et les amis de tous les rois. Aussi, les frères Ténèbre, veuillez vous en fier à eux, choisirent-ils avec soin leurs déguisements et leurs personnages. Il ne s’agissait plus de la naïve fantasmagorie de Venise. Notre Wurtemberg n’a pas la chevaleresque religion des royautés déchues ; c’est un pays neuf et positif qui n’a pas craint d’allier le sang de sa dynastie au sang de Napoléon qui fut votre empereur et qui, voilà quatre ans, a expié par la mort sur un rocher désert, la féerique splendeur de ses victoires. Il fallait ici une solide émanation d’un pouvoir existant, si vous permettez que je m’exprime ainsi ; il fallait du vivant, non point du mort ; il fallait en un mot, un personnage que tous ces princes et toutes ces princesses pussent appeler : mon cousin, sans créer à un État pacifique et relativement faible un cas de guerre ou des embarras diplomatiques.
 
– Où chercher cela ? non pas en Russie, d’où était venue notre feue reine, fille de Paul Ier, et où le prince Alexandre, oncle du roi, commandait les armées ; non pas en Prusse, où le prince Auguste, neveu du roi, servait dans les cuirassiers de la garde ; non pas en Autriche, où la princesse Marie, cousine du roi, portait le titre d’archiduchesse ; non pas dans aucune partie de l’Allemagne, où Nassau, Saxe-Altembourg, Bade, Stolberg, Waldeck-Hohenlohe, Tour-et-Taxis, étaient tous nos gendres ou nos beaux-pères ; non pas dans les Pays-Bas, où étaient déjà faites, avec l’héritier du trône, les fiançailles de la princesse Sophie au berceau ; non pas en Angleterre, qu’habitait le duc Louis, père de la reine actuelle ; non pas même en France, patrie d’adoption du duc Frédéric-Philippe. Où donc ?
 
Il est un pays troublé, l’un des plus grands dans l’histoire, mais qui semble, en nos époques modernes, se cacher, honteux de sa décadence, derrière sa muraille de montagnes. L’Allemagne ne connaît plus l’Espagne, depuis que la maison d’Autriche a cessé de régner à Madrid. L’écho de votre guerre, l’héroïsme de vos princes et de vos soldats à Trocadéro est venu chez nous comme un bruit vague et trop lointain pour être entendu. L’Espagne est une Chine au milieu de l’Europe.
 
« Mais ces choses murées n’en valent que mieux, quand une fois on les exhibe. Ce sont des curiosités. Vous savez l’effet que les ambassadeurs indiens firent à la cour de Louis XIV. Une ambassade chinoise, présentement, affolerait l’Europe. Au baptême de notre prince royal, on ne fit attention qu’à l’infant et à l’infante d’Espagne.
 
– N’existait-il donc, en définitive, aucun lien diplomatique entre l’Espagne et le Wurtemberg ? Si fait. Il y avait et il y a encore à Stuttgard, un chargé d’affaires espagnol. Mais le chargé d’affaires fut trompé et complice. Des notes furent échangées entre Madrid et Stuttgard. Ma charge était de les voir : je les ai vues. Je suis peu de chose auprès de la plupart de ceux qui m’entourent, mais enfin, j’ai l’honneur d’être un fonctionnaire public d’une certaine importance et un lettré : on m’accorde même, dans mon pays la qualification de savant. J’ai mes diplômes de docteur des quatre Facultés. Ma vue est bonne, ma santé ne gêne pas le travail de ma pensée, je suis sain d’esprit, – et cependant, ces pièces me parurent vraies !
 
« Je ne crains pas de le dire : voilà le vrai miracle d’habileté ! Quiconque a pénétré dans une chancellerie, par l’humble porte qui me sert ou par celle qu’on ouvre à deux battants pour Vos Excellences, sait ou se figure aisément la montagne d’impossibilités – je prononce le mot, cette fois – qu’il faut soulever pour créer de fausses correspondances diplomatiques. Chacune de ces dépêches passe par cent mains qu’il faut corrompre et devant cent regards qu’il faut aveugler.
 
« Eh bien ! la fausse correspondance fut créée dans tous ses détails, et je déclare que ce fut un chef-d’œuvre ! J’ai dans mon dossier ici, à Paris, une lettre autographe du roi Ferdinand, écrite par le chevalier Ténèbre, le vampire ! Ce sont des gens de talent.
 
« Ce n’est pas tout, cependant. Il y avait eu des notes réelles et authentiques émanées de la cour de Wurtemberg ; la cour d’Espagne répondit cela est certain. Ajoutez la suppression des pièces vraies à la création des pièces fausses et que votre raison s’étonne à loisir, car, je le répète, là est le miracle d’habileté.
 
« Le reste rentre dans la catégorie des prestidigitations ordinaires. Que ces deux êtres aient pu me tromper, agissant et parlant comme ils le firent devant moi qui étais si chèrement payé pour les connaître, c’est une question de métier : on admet qu’il y ait des grimes parfaits, des imposteurs accomplis, des comédiens admirables. Mais les pièces !…
 
M. d’Altenheimer s’arrêta comme si son étonnement rétrospectif l’eût suffoqué, et monsignor Bénédict soupira en hochant sa tête blonde.
 
– Ah ! voyez-vous ! les pièces !… les pièces !… C’est là le merveilleux !
 
Mgr de Quélen se pencha à l’oreille de l’évêque d’Hermopolis.
 
– Ah çà, dit-il à voix basse ; je suis tout étourdi, moi, je l’avoue… on nous raconte là des choses de l’autre monde ! qui sont ces gens-là ?
 
– Ils sont ce qu’ils disent être, répliqua le ministre, et cette très curieuse histoire est la pure vérité… Ah ! ah ! on ne nous en passerait pas comme cela en France ! Remerciez-moi, j’ai fait cadeau à votre Grandeur d’une véritable friandise. J’ai entre les mains les lettres de crédit de ce cher baron… hein ? quel original ? auprès du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police. Il est très recommandé à la cour. Quant à l’autre, que de modestie ! et de distinction ! Il a un plein portefeuille de lettres de Rome, et l’archevêque primat de Gran l’appelle son cher fils…
 
– Mais comment se fait-il, murmure Mgr de Quélen, que nous n’ayons jamais ouï parler de tout cela ?
 
– Je vous dis que c’est une friandise, et vous en avez la primeur !
 
– C’est d’hier ! Le baptême du prince royal de Wurtemberg a eu lieu à la fin d’août et nous sommes au commencement de septembre !…
 
– C’était il y a juste aujourd’hui quinze jours, reprit M. le baron qui paraissait avoir reconquis tout son calme. Stuttgard entier prenait part à une fête, dont la pareille ne s’était jamais vu chez nous. Cinquante princes et princesses des cours d’Allemagne et du Nord recevaient l’hospitalité au château, ce qui, joint à l’armée des princesses et princes du sang, formait une véritable cohue royale. Sa Majesté disait dans sa joie : « J’ai attendu deux ans et demi, mais le succès est complet. Il ne manquera aucune fée autour du berceau de mon fils ! »
 
– Certes, il appréciait comme il le devait la courtoisie des États allemands et du Nord, mais ce qui le flattait le plus, c’était ce tribut inespéré venant du midi ; ce qui lui faisait parler de succès complet, c’était la présence de don François de Paule, infant d’Espagne et de son auguste compagne, Louise-Charlotte de Bourbon, fille de François Ier, roi des Deux-Siciles.
 
« L’infant était un homme de vingt-trois ans, brun de teint, mais ne paraissant pas une semaine de plus que son âge. Il aurait fallu être sorcier pour démêler quelques traits de ressemblance entre ce fier et taciturne jeune homme, et le prétendu héritier du droit royal des Stuarts : un vieillard sec et roide, dont les traits ravagés se couronnaient déjà de cheveux blancs. Quant à l’infante Louise-Charlotte, nous savions tous qu’elle était née en 1804 : vingt et un ans, par conséquent : et noble ! et gracieuse ! et charmante ! Le chevalier Ténèbre peut passer pour le roi des acteurs, mais ce n’est plus un comédien que frère Ange : c’est un magicien qui vous fait voir le soleil à minuit !
 
Car c’étaient les frères Ténèbre, cet infant don François de Paule et son Auguste épouse, Louise-Charlotte des Deux-Siciles. L’infant était le grand, l’infante était le petit.
 
« C’étaient les frères Ténèbre, et leur suite brillante était peut-être la même bande qui campait, autrefois de l’autre côté de la Theiss, en face du château de Chandor ! Et cette farce royale, unique peut-être dans les annales du monde, dura trois jours entiers, on peut le dire, devant l’Europe assemblée !
 
« C’étaient les frères Ténèbre ! Le dénouement, vous le savez en partie : les joyaux de la couronne de Wurtemberg disparurent dès le second jour. Le troisième jour, mourut une angélique enfant, la fille du chancelier Reinhardt, qui avait été placée auprès de l’infante, en qualité de dame d’honneur. Le troisième jour, ce fut une rafle générale et si effrontée que l’étonnement épuisé essaya de renaître : tout s’en alla, les parures des princesses, les bijoux et les cordons des princes, enfin, je vous dis : tout !
 
« L’infant et l’infante avaient dansé ce soir-là, l’un avec toutes nos princesses, l’autre avec tous nos princes et hommes d’États. Vers minuit, M. de Metternich, dont la sœur est tante du roi, demanda à l’archiduchesse Marie, sœur aînée de la reine, ce qu’était devenu l’aigle qu’elle portait au cou d’ordinaire ; l’Archiduchesse chercha, et, tout en cherchant, lui dit à son tour : Prince, où est votre collier de la Toison ? où est votre cordon de l’Annonciade ? où est votre plaque du Danebrog ?
 
Ce fut aussitôt un grand cri ; tout le monde à la fois s’apercevait du pillage. Le roi, le roi lui-même avait été dépouillé sur sa propre personne ! Les portes furent fermées. Il était trop tard. L’infant, l’infante et leur suite avaient pris les devants, emportant un butin qu’on ne peut estimer à moins de cent mille écus d’or.
 
– Au plus bas mot ! ajouta paisiblement monsignor Bénédict : peut-être cent vingt mille.
 
Un bruit continu de voitures roulant sur le pavé se faisait entendre, depuis quelque temps déjà, vers la route de Conflans. Du côté du château brillamment illuminé, le vent, qui soufflait maintenant par courtes rafales, apportait de vagues sons, et ces notes perdues des instruments qui tâtonnent pour se mettre d’accord. L’archevêque de Paris donna le signal de la retraite en disant :
 
– Nous ne pouvons pourtant pas faire faux bond à notre petit concert !
 
On se leva aussitôt. L’impression de terreur s’était tout à fait évanouie, par la raison toute simple que les derniers épisodes racontés par le baron n’avaient plus trait aux diverses émotions qui avaient d’abord agité l’assemblée. L’histoire de Venise se passait en plein soleil ; l’aventure de Stuttgard avait eu lieu sous l’éclatante lumière de mille bougies ; cela ne se rapportait plus à cette nuit sombre ou mystérieusement éclairée par la lune qui environnait les hôtes de Monseigneur. Les vampires et les brigands de M. le baron d’Altenheimer, avaient des mœurs d’opéra comique.
 
Mme la princesse prit le bras de son fils et garde du corps, le jeune marquis de Lorgères. Fanfaronne qu’elle était et toute fière de ne plus trembler, elle ouvrait la bouche pour reprocher au baron d’Altenheimer de ne l’avoir pas suffisamment effrayée, lorsqu’elle vit, fixés sur elle, deux yeux qui avaient dans la nuit, cet éclat particulier aux animaux de l’espèce féline.
 
Mme de Montfort était une personne d’esprit et savait bien que les vampires s’adressent rarement aux princesses d’un certain âge ; néanmoins, ce regard la fit tressaillir. Il appartenait à monsignor Bénédict, qui, montrant de son doigt blanc et délié où chatoyait un magnifique solitaire, la grande pelouse située au-devant du château, dit de sa voix mielleuse :
 
– Je voulais faire remarquer seulement à madame la princesse combien les choses les plus simples peuvent revêtir dans l’obscurité des apparences véritablement fantastiques.
 
Au milieu de la pelouse, on voyait une forme blanche qui se mouvait avec lenteur, tranchant sur le noir de l’herbe. C’était une femme, mais la façon dont les rayons diffus de la lune tombaient sur sa robe flottante lui donnait réellement physionomie de fantôme. Elle glissait sur le fond obscur du parc comme une nuageuse apparition. Le bras du jeune marquis trembla sous celui de sa mère.
 
– Gaston ! qu’avez-vous donc ? s’écria celle-ci ; allez-vous aussi essayer de me faire peur ?
 
– Ce vent est froid… balbutia Gaston.
 
L’archevêque disait en ce moment :
 
– Voyez-vous ce fantôme ? C’est ma charmante et angélique protégée, Mlle d’Arnheim, qui va nous dire quelques beaux chefs-d’œuvre des maîtres allemands. Mesdames, je vous la recommande du meilleur de mon cœur, car c’est une Antigone chrétienne qui soutient la vieillesse de son père. L’Opéra est plus riche que nous et payerait volontiers deux mille louis par an cette voix sans pareille et cette admirable méthode, mais Mme d’Arnheim qui est de bonne famille et pieuse comme la prière, ne veut pas entrer à l’Opéra. Elle aime mieux rester pauvre que de risquer son âme pour de l’or ; elle se réduit à donner des leçons ; j’ai promis de l’aider et je fais un cas de conscience à tous ceux qui m’aiment d’être mes seconds dans cette bonne œuvre.
 
La forme blanche avait disparu derrière les arbres de l’avenue.
 
– Gaston, dit la princesse, il faudra voir M. Récamier pour vos battements de cœur. Je le sens contre mon bras, ce sont de véritables palpitations. Vous m’inquiétez.
 
M. le baron d’Altenheimer s’était approché de l’archevêque.
 
– Monseigneur, prononça-t-il avec un respectueux embarras, je ne sais peut-être pas assez bien la langue française pour exprimer des choses très délicates. Je suis riche. Par le canal de Votre Grandeur, me serait-il possible de faire quelque chose pour cette jeune fille qui a l’honneur d’être votre protégée ?
 
Il sortait en même temps son portefeuille de la poche de son habit. L’archevêque le regarda et lui tendit la main ; c’était pour serrer la sienne, car il murmura :
 
– Monsieur le baron, vous êtes un homme de cœur !
 
Mais le baron, feignant de se méprendre, déposa le portefeuille dans la main de l’archevêque, salua jusqu’à terre et se perdit dans la foule des invités.
 
En arrivant au perron, Mme la princesse s’arrêta tout à coup et dit à son fils :
 
– Gaston, le mantelet de Mme de Maillé, ma nièce… je crois que je l’ai oublié sur l’herbe !
 
Le marquis revint aussitôt sur ses pas et retrouva aisément le manteau. Comme il quittait le salon de verdure, il vit à ses pieds un objet brillant et de forme carrée, qui gisait dans l’herbe, à la place occupée naguère par monsignor Bénédict. Il le ramassa pour le rendre à son propriétaire, car il avait reconnu d’un coup d’œil le missel de velours, à surtranches d’acier, du prélat romain.
 
Tout le monde était entré quand Gaston atteignit le château. En traversant le vestibule, il prit à la main et machinalement le missel qui s’ouvrit à demi entre ses doigts ; il essaya de le refermer et ne put ; il y avait une serrure à secret dont le ressort s’était lâché sans doute quand le missel avait heurté contre le sol.
 
Pendant que Gaston faisait effort pour rajuster le fermoir, le missel s’ouvrit tout à fait ; l’œil de Gaston glissa entre deux pages ; il s’arrêta comme si la foudre l’eût touché, tandis qu’un cri de stupeur s’étouffait dans sa poitrine !…